L’Œdème Aigu du Poumon

Méline Lorillard, Infirmière, CHU de  Tours

Décembre 2023

 

Oap

Figure 1 (Istock,2018) illustration représentative de l’œdème pulmonaire. [3]

 

Selon Payers, A (2018) l’œdème aigu du poumon (OAP) représente 1% du passage aux urgences [1]. Les équipes médicales et paramédicales se doivent d’agir vite puisque son évolution est rapide et peut mener au décès du patient. La prise en charge doit être immédiate. En effet, le taux de mortalité lors d’un épisode comme celui-ci est de 20 à 40% [2].

 

1. Définition

L’œdème aigu du poumon est un phénomène dû à une élévation de la pression des capillaires pulmonaires laissant s’échapper le liquide plasmatique. Un envahissement brutal et soudain vient alors inonder les alvéoles pulmonaires et le tissu pulmonaire interstitiel.

 

2. Facteurs de risques

L’insuffisance cardiaque est l’une des causes principales de l’œdème aigu du poumon. C’est d’ailleurs ce qu’ont écrit Juillard, A et Roger,C « L’œdème aigue du poumon (OAP) est l’expression la plus caractéristique de l’insuffisance cardiaque gauche (…) ». [4]

En effet, la force de contraction du ventricule gauche est déficiente, le sang stagne et va ainsi s’accumuler en amont. La pression des capillaires pulmonaires augmente ce qui entraine une fuite du liquide plasmatique.

D’autres facteurs sont responsables dans cette forme de décompensation. Les troubles du rythme en font partis ainsi que les valvulopathies qui viennent perturber l’écoulement sanguin, de même pour le myxome de l’oreillette gauche. On retrouve également l’infarctus du myocarde, la cardiomyopathie dilatée et hypertrophique qui a leur tour impactent la fonction diastolique et systolique du ventricule gauche.

L’endocardite, la myocardite et la pneumopathie infectieuse sont-elles aussi en cause dans cet état pathologique aigu. Il ne s’agit pas là d’une origine purement cardiaque mais d’une agression externe à l’organisme.

De même, on distingue les causes intrinsèques comme le sexe, l’âge, la génétique et des causes lésionnelles, toxiques, une non-observance médicamenteuse, un écart de régime (notamment pauvre en sel).

 

3. Physiopathologie / Signes cliniques et biologiques

Lors d’un OAP, le patient subit une "noyade interne" de ses alvéoles et de ses tissus pulmonaires. De ce fait, les échanges gazeux ne sont plus assurés.

A partir de là résulte une suite logique, si les échanges gazeux sont perturbés, l’organisme n’est pas suffisamment oxygéné. C’est alors qu’on observe des signes respiratoires de gravité tels que la dyspnée sévère avec signes de lutte respiratoire (balancement thoraco-abdominal, battements des ailes du nez, tirage intercostal), polypnée, sueurs profuses, cyanose des extrémités et des muqueuses, saturation en oxygène diminuée. L’augmentation des pressions pulmonaires peut également entrainer en plus de la dyspnée majeure, des râles crépitants pulmonaires bilatéraux, une douleur angineuse, une tachycardie, une hypertension, une orthopnée, une toux, des expectorations rosées, mousseuses.

Pour apprécier la qualité des échanges gazeux, le gaz du sang artériel reste l’examen le plus fréquemment utilisé. Il tient compte de la pression partielle en oxygène (PAO2) dissous dans le sang artériel et la pression artérielle en dioxyde de carbone (PACO2). Dans le cas d’une hypoxémie, le malade va chercher à compenser son manque de PAO2 en hyperventilant ce qui a son tour augmente la PCO2. Le lactate est un marqueur qui peut s’observer lors d’une insuffisance respiratoire aigüe, dont l’origine est vraisemblablement musculaire liée aux efforts respiratoires. Il va permettre d’évaluer l’importance de l’hypoxie tissulaire.

Un patient hypoxique va également être asthénique, mais d’autres signes neurologiques sont à prendre en compte notamment la confusion, l’angoisse et l’agitation. La personne soignée est angoissée par sa difficulté à respirer et par la présence d’une véritable noyade pulmonaire.

Il est important de repérer l’existence de signes de choc, qui va imposer une prise en soin d’urgence. On retrouve les signes d’hypoperfusions tissulaires (marbrures, pâleur cutanée, extrémités froides, sueurs, oligurie/anurie...) avec une défaillance viscérale aigue (insuffisance rénale, hépatique, trouble neurologique …) ainsi que des manifestations hémodynamiques (l’hypotension artérielle avec une différentielle diastolique/systolique pincée, une tachycardie).

Le médecin pratique un examen physique du patient. Il réalise une auscultation cardiaque par une échographie transthoracique qui permet d’analyser la cause de l’œdème aigu du poumon. Il évalue le fonctionnement du ventricule gauche et sa fraction d’éjection (FEVG).

 

Il peut observer l’activité des valves, une surcharge sur la cavité droite ainsi qu’une veine cave inférieure dilatée. Il effectue également une auscultation pulmonaire qui constate la présence ou non de râle crépitant.

La radiographie thoracique est un examen complémentaire indispensable une lecture qualitative (l’aspect et la taille du myocarde) et quantitative (mesure du rapport cardio- thoracique). Elle confirme la présence d’opacités pulmonaires (images floconneuses dites en « ailes de papillon ») ainsi que d’un épanchement pleural. Elle sert par conséquent à confirmer le diagnostic ou déceler un diagnostic différentiel. [5]

L’équipe paramédicale effectue quant à elle l’électrocardiogramme qui est un examen incontournable pour rechercher un trouble du rythme et la présence de signes ischémiques.

Un bilan biologique est également nécessaire afin de bénéficier de paramètres supplémentaires tels qu’une Numération de Formule Sanguine (NFS) recherchant une anémie aggravant ainsi la dyspnée. Un ionogramme sanguin est demandé afin d’apprécier les électrolytes ainsi que la créatinine, puisqu’un traitement par diurétique va vraisemblablement être instauré. Il est donc essentiel de corriger en amont les troubles ioniques ou d’adapter les thérapeutiques en conséquence. De même que, si un traitement anticoagulant doit être débuté il est important d’effectuer le dosage des facteurs de la coagulation.

La sévérité de l’insuffisance cardiaque se constate par le dosage des BNP (Brain Natriuretic Peptide). Les enzymes cardiaques (troponine, CPK) quant à elles permettent la recherche d’une cause, par exemple l’infarctus du myocarde.

 

4. Traitements

Lors d’un OAP, la réassurance et l’installation du patient est primordial. Ce dernier doit être en position demi-assise ce qui permet une meilleure mobilité du diaphragme. Le plus souvent l’orthopnée rappel ce besoin.

A la phase initiale, de l’oxygénothérapie est nécessaire à haute concentration. Cependant, l’œdème aigu du poumon requière la mise en place d’une ventilation non invasive sauf dans les cas où la détresse respiratoire nécessite d’emblée l’intubation orotrachéale et la ventilation assistée.

Lors d’un OAP cardiogénique, le mode fréquemment utilisé reste la ventilation spontanée avec aide inspiratoire associée à une pression positive expiatoire. Ce réglage permet d’améliorer les échanges gazeux. En effet, la ventilation alvéolaire va être corrigée par cette pression positive qui augmente le volume pulmonaire en fin d’expiration. Elle recrute et maintient ouverte les alvéoles en fin d’expiration qui étaient initialement collabées. L’effort respiratoire du patient est ainsi diminué et le volume courant augmenté.

En contrepartie, ce phénomène améliore le fonctionnement du ventricule gauche et augmente le débit cardiaque. [6]

La VNI, si elle est installée au plus tôt dans la prise en soin du patient, va nettement améliorer son pronostic vital en traitant l’insuffisance respiratoire aigüe. Cette aide non invasive va éviter le plus possible l’intubation. C’est ce qu’inscrivent L’Her, E et Jaffrelot, M. (2009) dans une revue « l’admission en réanimation pour assistance ventilatoire de patients présentant un OAP semble devenue rare ». [6]

Associé à la VNI, des traitements administrés en intraveineux vont être nécessaire notamment l’instauration d’un diurétique en particulier le Furosémide qui a une action rapide. Ce dernier va inhiber la réabsorption sodique ce qui aboutira rapidement à une diminution de la pression capillaire pulmonaire. Il faut tout de même rester méfiant puisqu’à fortes doses, il peut entrainer une hypovolémie et/ou hypokaliémie. Il est fréquent qu’une sonde vésicale soit prescrite afin de pouvoir surveiller au mieux l’efficacité du traitement et de limiter le plus possible les efforts du patient.

 

Il faut également traiter le facteur déclenchant de l’OAP, si ce dernier est retrouvé. En cas d’hypertension un traitement vasodilatateur va être mis en place afin de dilater les vaisseaux sanguins et ainsi permettent une meilleure circulation sanguine.

Des antiarythmiques peuvent être utiles en présence de troubles du rythme.

En cas d’ischémie myocardique, une angioplastie ou une thrombolyse sera réalisée au plus tôt. Une antibiothérapie et/ou une chirurgie peut aussi être demandée si une infection est décelée notamment pour l’endocardite.

Si c’est un OAP réfractaire et/ou si des signes de choc cardiogénique sont observés cela nécessite que des amines soit instaurés en particulier la dobutamine.

En l’absence d’évolution rapide et favorable de l’état du patient des examens invasifs peuvent être demandés. Le cathétérisme droit est une méthode d’exploration hémodynamique au niveau des cavités cardiaques. Il mesure les pressions intracardiaques, évalue le débit cardiaque et mesure la saturation en oxygène du sang veineux afin d’ajuster au mieux les thérapeutiques associés.

 

Conclusion

En conclusion, l’œdème aigu du poumon nécessite une hospitalisation d’urgence. De nombreuses étiologies entrent en compte dans cet état pathologique aigu, mais l’insuffisance cardiaque gauche est celle la plus retrouvée. Des thérapeutiques sont instaurés rapidement et permettent une nette amélioration de l’état de santé de la personne soignée.

La VNI reste l’outils permettant de limiter le plus possible un séjour en réanimation. Sans oublier de tenir compte du soin relationnel qui est une ressource majeure pour appréhender au mieux l’angoisse du patient.

 

Références

1. Payers,A.(2018).L’oedème  aigu du poumon. L’aide-soignante,32(n°201), 22. http://dx.doi.org/10.1016/j.aidsoi.2018.09.007

2. GUINARD, S., & L’HER, E. (2010, octobre 15). Traitement médical de l’œdème pulmonaire cardiogénique [Information]. realites-cardiologiques.com. https://www.realites- cardiologiques.com/wp-content/uploads/sites/2/2010/11/0716.pdf

3. Istock. (2018). Œdème pulmonaire, diagramme de poumon problème vector illustration— Illustration libre de droits. https://www.istockphoto.com/fr/vectoriel/%C5%93d%C3%A8me- pulmonaire-diagramme-de-poumon-probl%C3%A8me-vector-illustration-gm945870318- 258327147?phrase=oed%C3%A8me+pulmonaire&searchscope=image%2Cfilm

4. Juillard, A., & Roger, C. (2009). Cardiologie et soins infirmiers (4e éd). Lamarre.

5. Soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections cardiovasculaires. (2006). ESTEM.

6. L’Her, E., & Jaffrelot, M. (2009). Faut-il encore mettre en route une ventilation non invasive en cas de détresse respiratoire sur un œdème pulmonaire cardiogénique ? Réanimation, 18(8), 720-725. https://doi.org/10.1016/j.reaurg.2009.07.004

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