Le sport chez le patient coronarien

 

Laurent Benacerraf, masseur - kinésithérapeute au Centre Cardiologue du Nord, Saint-Denis

Juin 2023 

 

Les maladies cardiovasculaires sont la 1ere cause de mortalité dans le monde et la 2ème (après les cancers) en France, elles sont aussi la 3ème affection de longue durée dont la prévalence augmente avec l’âge. 

Éviter la récidive chez le patient coronarien est donc un enjeu de santé publique. Nous allons aborder dans cet article l’un des leviers de prévention majeur qu’est d’éviter la sédentarité. (1) 

Le cœur est irrigué par les artères coronaires qui lui apporte le sang nécessaire à son oxygénation afin qu’il puisse tenir son rôle de pompe musculaire fournissant le corps en oxygène et substances nutritives. 

 

Phot3

La pathologie coronarienne se définit par l’atteinte d’une ou plusieurs artères coronaires et plus précisément d’un rétrécissement de leur calibre. 

Dans la grande majorité des cas, l’atteinte des artères coronaires est dû à des plaques d’athérosclérose (dépôt de lipides qui réduit le calibre de l’artère). 

Pour éviter la récidive de la maladie, il faudra agir sur les facteurs favorisant la survenu de ces plaques. 

Le traitement repose donc sur une modification des comportements à risque et la prise d’un traitement.

La sédentarité est l’une des causes de survenu ou d’aggravation de la maladie cardiaque.

Les personnes ayant une activité nulle ou insuffisante ont un risque de décès majoré de 20 à 30 % par rapport à celles pratiquant une activité modérée ou intense selon 2 grandes méta analyses de OLDRIDGE en 1988 et celle de O'CONNOR en 1989. Ces chiffres sont corroborés par la dernière méta analyse publiée en 2004 par TAYLOR et Coll (2) (3) 

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit l’activité physique (AP) comme tout mouvement corporel produit par les muscles qui requiert une dépense énergétique. 

L’AP désigne tous les mouvements que l’on peut effectuer dans le cadre des loisirs, sur le lieu de travail ou pour se déplacer d’un endroit à un autre.

L’AP adaptée est un des piliers de la réadaptation cardiaque et doit être proposée à tout patient coronarien. 

L’AP d’intensité modérée et régulière a un effet bénéfique sur la santé mentale, la qualité de vie et le bien-être. 

Quel que soit l'individu, le cœur s'adapte à l'effort : il augmente son débit, sa fréquence et la tension artérielle augmente.  

Grâce à un entraînement physique régulier, les performances physiques s’améliorent. 

Par exemple, pour monter un étage, avec l'entraînement la fréquence cardiaque sera moindre, l'exercice sera plus facile musculairement et dans le temps la personne pourra monter 2 étages avec les mêmes constantes physiologiques. L'entraînement va lui permettre d'augmenter sa fréquence cardiaque maximale, il pourra monter plus rapidement son étage car son cœur va pouvoir répondre à l’effort.

L'entraînement physique permet un accroissement des capacités maximales à l'effort se traduisant par une augmentation de la durée et de la puissance de l'effort maximale et donc de faciliter les efforts sous maximaux. 

La pratique d’une activité physique chez le patient coronarien est importante pour les différentes raisons déjà évoquées mais aussi car elle permet de développer une circulation collatérale surtout chez les patients non opérés, ou souffrant d’angor. 

Le réentraînement à l’effort fait partie intégrante du traitement du patient coronarien. 

En effet, quelle que soit la pathologie et le traitement choisi, il est fréquent que le cardiologue prescrive un cycle de réadaptation cardiaque (phase II) suite à la survenue de l’accident coronarien ou pour un déconditionnement à l’effort. 

Le cycle peut se faire soit en hospitalisation (cycle de 3 semaines) ou en ambulatoire (cycles de 20 séances).

Une fois cette étape franchie, il faut continuer l’activité physique ou reprendre une activité sportive. Cette phase est la phase III de la prise en charge. Elle se fait de différentes façons individuelles ou collectives, au travers de clubs Coeur et Santé ou clubs de sports.

Avant toute reprise, il est important de suivre certaines recommandations reprises par l’HAS et d’avoir fait un bilan qui prend en compte : 

  • le statut clinique et le niveau de risque cardio- vasculaire à l’effort 
  • la condition physique et capacité d’exercice 
  • le seuil d’apparition d'un angor, d’une ischémie à l’épreuve d’effort 
  • les limitations musculo- squelettiques. (4)

En pratique, le patient aura effectué une épreuve d'effort qui déterminera le niveau maximal d'effort qu'il pourra atteindre dans un premier temps. Pour guider son effort, on pourra recommander au patient de retenir le calcul pour déterminer sa fréquence cardiaque d’entraînement (FCE) :

FCE = fréquence cardiaque au repos + 60 à 80% (fréquence maximale - fréquence de repos)

De la même façon, pour le rassurer ou au cours des efforts intenses, on peut conseiller au patient de porter une montre connectée indiquant la fréquence cardiaque et voir même sa consommation en oxygène. On peut également lui conseiller de porter avec lui un dérivé nitré, surtout s’il pratique seul ou en milieu peu fréquenté (et s’il n’a pas subi de revascularisation coronaire).

De façon générale, pour les patients n'ayant pas eu une activité sportive avant leur pathologie coronarienne, il faut privilégier les sports en aérobie comme la marche et le vélo. La marche nordique est un sport complet faisant intervenir les différents groupes musculaires du corps.

Il faut retenir que pour obtenir des avantages importants pour la santé, il est préconisé de faire au moins 150 minutes d’activité aérobique d’intensité modérée ou 75 minutes d’activité aérobique d’intensité vigoureuse chaque semaine. Chaque séance d’activité doit durer au moins 10 minutes. Par exemple, marchez d’un bon pas (activité physique modérée) cinq jours par semaine pendant au moins 30 minutes chaque fois. (5) 

Une activité physique plus intense augmentera les bénéfices pour la santé.

Les préconisations évoluent beaucoup et rapidement il suffit de voir les propos suivants : » En 2005, nos recommandations étaient du golf pour un coronarien de 55-60 ans. Elles ont beaucoup évolué et le message-clef est aujourd’hui : avec un syndrome coronarien chronique, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, y compris de la compétition, tant que les facteurs de risque sont bien équilibrés et que vous prenez vos médicaments » commente le Pr François Carré, cardiologue du sport au CHU de Rennes.

 

Photo1

Sportif coronarien pendant une compétition de Trail.

 

Pour les patients ayant une pratique sportive avant leur accident coronarien, ils pourront la reprendre en règle générale. 

Pour les patients faisant des sports de combats et ayant subis une sternotomie cela sera plus difficile, surtout au début. La pratique de la plongée nécessitera un certificat par un médecin agréé. 

La pratique du ski est possible mais il faudra prendre en compte pour ce sujet le froid (vasoconstricteur) et l'altitude (raréfaction de l'oxygène).  

Dans tous les cas, il faudra prendre en compte les conditions climatiques, géographiques lors de la pratique sportive. 

Il a été prouvé qu’une activité physique régulière apporte 4 effets bénéfiques directs :

  • l’effet anti ischémique par une diminution du travail cardiaque à l'exercice
  • des effets antithrombotiques
  • un effet anti-arythmique
  • un effet anti-inflammatoire systémique (6)

Le tableau suivant donne des indications par rapport à l'activité sportive et l'activité cardiaque :

Photo5

Le patient doit continuer à être suivi au moins 1 fois par an par son cardiologue. 

En cas de symptômes inhabituels et ou d'une douleur ressemblant à une douleur "cardiaque " connue il faut consulter rapidement surtout si la douleur cède sous trinitrine. 

L’activité physique renforce le cœur et réduit les facteurs de risque de maladies coronariennes. Elle peut également faire baisser la tension artérielle, améliorer et faire baisser les taux de cholestérol, apporter un meilleur sommeil donc une meilleure récupération.

Il semble enfin important d'aborder la pratique de l'activité sexuelle du patient coronarien qui peut entraîner certaines angoisses ou peurs. Ces questionnements et craintes peuvent être levées par une AP ou activités sportives régulières. En effet une vie sexuelle épanouie ne demande pas un effort physique important. Cela représente un effort de 60 -80 watts au test d'effort (l’équivalent d'une montée rapide de 2 étages).

En conclusion, il est important de retenir et d'enseigner que toute activité physique et sportive est mieux que la sédentarité de part les bienfaits et actions préventives qu'elles procurent.

 

Bibiographie :

 

1. CNAM : rapport : « Améliorer la qualité de santé et maîtriser les dépenses. Propositions de l’assurance maladie pour 2021 “

2. Taylor Exercice-based rehabilitation for patients with coronary heart disease «  MJ Med 2004.

3. O’Connor. An overview of randomized trials of rehabilitation with exercice after myocardial infarction. Circulation 1989

4. HAS - Prescription d’activité physique - Syndrome coronarien chronique - juillet 2022

5. Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité. 2020

6. Ehsani Cardiac effect of prolonged And intense exercice training in patients with coronary artery diseases AM J Cardiol 1982

Vous devez être connecté pour poster un commentaire